Plongée au cœur de Dhobi Ghat : immersion dans un bidonville très particulier

Dhobi Ghat existe depuis plus de 125 ans. Le bidonville est un lavoir en plein air bien connu des habitants de la ville. Les travailleurs qui y habitent, les Dhobis y lavent entre autres les uniformes et les draps du personnel hospitalier et des hôtels. Il s’agit du plus grand lavoir à ciel ouvert à travers le monde. Chaque jour, pendant 20 heures ce sont plus de 7000 personnes qui battent, lavent, sèchent, teignent, repassent et plient le linge — plus de 100 000 vêtements — avant de le transporter aux quatre coins de la ville. Le bidonville a été le lieu de tournage de nombreux films Bollywood.

Dhobi Ghat vu depuis la rue

« Je connais quelqu’un à l’intérieur, je peux te faire rentrer »

Lorsque mon amie m’a annoncé ça un matin de janvier 2020 j’ai eu la sensation que la conversation portait sur un club branché plutôt que sur un bidonville de Bombay.

Éthique et voyages : pourquoi je ne visite (normalement) pas de bidonvilles

Les films sur l’Inde, notamment le célèbre « Slumdog Millionaire » ont attiré l’attention des Occidentaux sur une réalité bien connue des Indiens : les bidonvilles.

De la même manière que nous avons tendance à porter un regard très manichéen sur les mariages indiens (voir article sur les mariages hindous en Inde), nous nous construisons souvent une représentation très précise des bidonvilles.

La première chose qu’il me parait importante de préciser est qu’en France aussi, comme l’évoque cette émission de France Culture, près de 16 000 personnes vivent dans des bidonvilles.

La différence c’est que, pour des raisons culturelles, démographiques et politiques, cela se voit beaucoup moins qu’en Inde.

Sentant l’occasion d’attirer des touristes prêts à payer pour vivre des expériences intenses, de nombreuses agences de voyages ont commencé à vendre des excursions guidées dans les bidonvilles. Afin de justifier cette pratique et de fournir un alibi à ceux qui voudraient rejoindre ces excursions, mais qui sont conscients de flirter avec les limites de la décence et du respect, les agences assurent reverser 20 à 30 % du prix du billet aux associations qui œuvrent dans le bidonville.

J’ai toujours été contre cette pratique.

Premièrement, je n’accorde aucun crédit aux associations qui sont souvent de mèche avec les agences de voyages et qui ne font (presque) rien pour aider les habitants du bidonville.

À cela s’ajoute ce que je considère comme absurde, délirant et choquant : des groupes de touristes — qui ont payé plus cher que ce que dépensent les parents des bidonvilles en un mois pour nourrir tant bien que mal leurs enfants — s’introduisent dans l’intimité des habitants, allant jusqu’à les regarder comme des animaux en cages, considérant cette excursion comme une visite au zoo, prenant tout en photo sur leur passage.

Pourquoi j’ai accepté d’y aller cette fois et pourquoi cette journée m’a beaucoup appris sur l’Inde

Cette fois-ci, c’est différent, je suis accompagné d’une amie indienne qui vit à Bombay.

Elle est photographe semi-professionnelle et a photographié des familles qui vivent à Dhobi Ghat pour faire changer le regard des gens sur cette communauté.

Normalement, il est impossible de rentrer dans ce bidonville (on peut seulement l’observer depuis l’extérieur). Des jeunes gardent l’entrée et ne laissent personne s’approcher de trop près. Parfois ils se font payer pour guider les touristes les plus insistants, mais ils ne les accompagnent que jusqu’à l’entrée du bidonville et les obligent rapidement à faire demi-tour.

Le fait que je parle quelques mots d’hindi et que je sois bien accompagné me confère un laissez-passer et m’attire la sympathie des habitants. Je promets d’être discret.

Avant d’entrer, mon amie prend le temps de m’expliquer quelque chose d’important : les Dhobis sont une communauté. Ils sont fiers de laver le linge de génération en génération. Certains sont très pauvres et vivent avec moins de 50 € par mois, d’autres sont plus aisés et ont permis à leurs enfants d’accéder à des études supérieures. Même ceux qui pourraient se permettre de déménager choisissent parfois de ne pas le faire, être Dhobi c’est appartenir à une communauté, vivre dans une culture particulière, c’est avant tout un mode de vie. Même si les conditions de vie sont très sommaires, les habitants s’entraident et savent qu’ils jouent un rôle indispensable dans la vie de milliers de Bombayens.

En déambulant aléatoirement dans les allées, je fais de belles rencontres. Les habitants sont évidemment surpris de ma présence. J’échange avec eux et ils m’expliquent comment cette immense fourmilière s’organise. Chaque famille tient un rôle bien précis depuis des générations et les lieux sont organisés selon la même logique.

Certains sont teinturiers, d’autres battent le linge dans des lavoirs, certaines repassent, plient ou teignent le linge.

Les hommes commencent à travailler à l’aube et travaillent toute la journée. Les femmes les aident le matin mais travaillent en dehors de la communauté l’après-midi.

Dhobi qui bat le linge à Dhobi Ghat
Dhobi qui brosse le linge à Dhobi Ghat

Je me demande comment les dhobis réussissent à ne jamais perdre ne serait-ce qu’une chaussette. Cela me fait penser au film Lunch Box.

D’ailleurs, puisque l’on parle de cuisine, j’en profite pour partager ces quelques clichés avec vous :

Comme souvent en Inde, je suis saisi par les contrastes, les différences d’univers dans lesquels évoluent les habitants et les inégalités.

Certaines parties du travail s’effectuent de la même manière qu’au cours des deux derniers siècles mais la technologie est présente par endroits (les familles plus aisées utilisent des machines à laver ou des séchoirs électriques). Juste derrière le bidonville, il est impossible pour notre regard de ne pas être attiré par les tours inachevées, les grues et les chantiers. Les sièges de nouvelles entreprises fructueuses sont en cours de construction.

Linge repassé au fer à charbon à Dhobi Ghat, en Inde

L’eau savonneuse ruissèle le long des petits chemins que nous empruntons pour nous rendre d’une zone à une autre, les enfants jouent, crient et rient autour de nous, le bruit et toutes sortes d’odeurs * confèrent aux lieux une atmosphère particulière.

*les odeurs de cuisine, l’odeur du chai masala qui mijote, l’odeur du savon et du charbon utilisé pour repasser le linge

En chemin, je rencontre des poulets, des chats, des souris.

Mon amie me tend la main et me propose de la suivre pour grimper sur un toit et observer le panorama. Le vent chaud souffle sur nos visages, l’explosion de couleurs qui caractérise l’Inde est omniprésente. Je reste ici un moment …

Et vous ? Partagez-vous mon avis au sujet des bidonvilles ? En avez-vous déjà visité ?

Le mois prochain je vous emmène à Pondichéry.

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